Lascive
Soif de couleurs
Héliodore iridescente
Emaillée de sensualité
Réminiscences « pollokbiloliennes »
Ame aventureuse
Féerie chromatique
Demain
Dichotomie
Les idées fusent. Je ne sais plus comment les stopper.
Je veux le quitter. Je ne veux pas.
Je suis comme ballottée entre deux choix. Deux chemins.
Si seulement je connaissais à l’avance la destinée de chaque chemin… mais non, il faut décider à l’aveugle. C’est juste que tous les reproches qu’il peut me faire m’épuisent. C’est par période, car à d’autres moments, je ne me pose plus de questions. Tout va bien, ou du moins ses attitudes me passent par dessus la tête. Jusqu’à ce que cela me scandalise à nouveau.
Alors je m’évade. Je ferme les yeux. Je me propulse en moi-même, dans mon lieu intérieur idéal, un monde paisible. Je visualise une mer limpide et calme, je vois l’horizon au loin, je sens la caresse du soleil sur ma peau, j’entends le doux son des mouettes. Je respire et expire à plein poumon.
Le calme est retrouvé. Jusqu’à quand ?
Présence/Absence
Le regard perdu dans l’immensité qui s’offre devant elle, elle est posée là, parfaitement alignée, le visage et le corps baignant dans une aura de couleurs éclatantes, contrastant ainsi avec un regard fuyant et lointain. De sa bouche charnue et sensuelle s’échappe un doux filet d’air. Elle semble attendre le mot ou le geste qui la ramènerait à elle, dans cette présence qui est propre à chacune et chacun d’entre nous.
Catherine Clavel
La face cachée
La femme que je suis, ou celle que j’ai l’air d’être, celle qui se donne à voir. Mais ils n’en voient qu’un bout, ma face visible aux autres, les côtés que je veux bien laisser paraître. Ou peut-être finalement n’en voient-ils bien plus que je ne crois…
Et ce monde, mon monde, qu’est-ce que j’en vois moi ? J’y suis bien dans ce monde, j’y trouve mon bonheur, je sais ce qui est bon pour moi. Alors est-ce qu’il faut changer, prendre ce risque ? Demain j’aurai la possibilité, donnée à si peu de monde, de percevoir le monde dans sa globalité, sentir chaque personne dans ce qu’elle a de plus profond, penser avec elle. Demain je pourrai ressentir à l’extrême les joies des uns et des autres, mais aussi les sentiments les plus laids, les douleurs les plus aigües. Demain j’aurai la possibilité d’ouvrir les yeux, de percevoir le monde dans toute sa complexité.
Mais vais-je aller jusqu’au bout ? Abandonner mon bonheur confortable dans mon monde restreint mais si doux, pour vivre plus intensément, les yeux ouverts, dans le monde perçu dans toute son entièreté ? Des sentiments plus forts, sans aucun doute, mais qui me font peur. Trop peur.
Non, je crois que je ne vais pas oser… Non, ne pas prendre le risque… Garder mon œillère, ne pas voir la face cachée du monde.
Je vais renoncer, je renonce, je reste celle que je suis, dans mon monde peut-être dénué de reliefs, de profondeur, mais dans mon monde maîtrisé et prévisible, dans mon monde si simple.
Julie de Lamarzelle
Gravure de mode
« La femme que je suis est d’une élégance inouïe, innée même. Que vont penser mes connaissances si elles me voient en ce moment coiffée de la sorte ? », s’inquiétait ma grand-mère en sortant du salon de coiffure par un bel après-midi du mois de mai sur le coup de quinze heures.
« Je lui avais pourtant bien dit à Josiane (Josiane c’est ma coiffeuse) que ma coloration naturelle est châtain auburn… Or il y avait eu ce coup de fil passé à l’assurance, qui avait retenu Josiane plus longtemps que prévu au téléphone : une fuite d’eau chez ses voisins avait inondé sa salle à manger, occasionnant de nombreux dégâts. Du coup, j’étais restée trop longtemps le produit de coloration sur les cheveux et, en faisant le rinçage, la couleur avait viré au rouge carmin. Et les dégâts étaient maintenant sur ma tête… Josiane était fort ennuyée et m’a prêté ce galure ridicule (lui aussi) pour regagner mon domicile, me promettant que la teinte s’affadirait bientôt.
Et c’est ainsi que j’ai été immortalisée par ce croqueur de silhouette assis à la terrasse du café qui jouxte le salon de Josiane, sans pouvoir m’y opposer étant donné l’état de faiblesse psychologique dans lequel j’étais plongée. J’aurais dû cependant, invoquant le sacro-saint droit à l’image ! Heureusement pour mon image c’est du noir et blanc, comme ma vie en ce moment… »
Anne
L’oubliée
Abigail. Minesota. Gare des bus.
Ses cheveux gras, poisseux. Son regard vide, ses yeux verts affolés. L’eau ruisselle sur l’imperméable et cache les tâches. Ses doigts tremblants rajustent le col. La crasse colle à ses mains mouillées ? moites ? elle ne sait plus.
La ceinture pend, traîne dans les flaques d’eau du bitume noir du quai n° 9.
Lol attend. Droite et chancelante à la fois, elle attend.
Qui, quoi, pourquoi ? Elle ne sait pas, du moins elle ne sait plus. Son crâne lui fait mal. Tellement mal ! Les acouphènes, ces battements à l’intérieur de la tête, la font tourner sur elle-même. La main lâche le sac de toile noir. Ses mains se posent sur ses oreilles, elle se penche. Ces nausées, toujours ces maudites nausées ! Elle n’arrive pas à se concentrer. Lol fronce les sourcils, les yeux plissés.
Oui cela va m’aider à me concentrer, me souvenir. Son angoisse se transforme en panique. Malgré les nombreuses gouttes de pluie qui tombent sur son visage, les genoux flanchent… Elle entend une voix mais ne la reconnaît pas, ne comprend pas. Elle tend la main.
Le néant… Elle n’a plus mal, une sérénité l’enveloppe, elle n’a plus froid, sa tête est légère. Ses paupières se ferment…
… Je me sens tellement bien, laissez-moi… j’ai tellement sommeil … laissez-moi dormir.
Qui est-elle ? Une sans-abri ? Une oubliée de la vie ?
ChrisB