A partir des œuvres de Florence Dunoguiez : S’évader


« ESPACES »
  
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant, grandeur cinémascope ! Comme un strabisme divergent vous intimant le doux ordre de plisser les contours de chaque œil afin de mieux contempler. Et là… il n’y a plus que l’ombre d’un fantôme, légère, évanescente, qui pénètre les espaces. Je peux effleurer chaque parcelle d’oxygène, de chlorophylle, dont j’emplis chacune de mes cellules jusqu’à mes plus infimes atomes de chair et d’os. Je touche alors les couleurs comme on plonge les mains dans du sable, blanc et fin ; comme on enfonce les pieds dans l’eau, claire et fraîche ; comme on file dans une atmosphère, ouatée et continue. Il n’y a jamais de tassement, mais un effeuillage de pièce montée. Il n’y a jamais de fin mais un abysse de possibles, même dans le noir mazout, ou le gris ténébreux. Les possibles, sculptés sur les toiles de mon rêve, qui voudrait trouver la seule et unique piste à exploiter. Celle du point de mire, en strates bleu outremer et orange outre-ciel. Cette piste de désert ouverte aux miracles, aux hallucinations, aux tremblements de l’air. Je finis toujours par laisser aller les croûtes, les brisures, les imperfections. Elles me rappellent les résidus de pétrole échoués sur des milliers de kilomètres bafoués. Celles qui étouffent, étranglent, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun souffle de vie. Et là… ma colère immense se ravive ; je sursaute et sors de mon lit, comme une somnambule sortie de son corps ; j’erre, fais quelques pas, puis une voix, intime, rassurante me ramène au centre de la couche. Où je poursuis ce rêve étrange et pénétrant avec l’horizon « incertainement » dégagé.
  
Murielle E.

Iceberg

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant de me retrouver devant ce paysage éclatant de blancheur et de grandeur qui vous laisse « coi ».
Le « Bleu » m’enveloppe comme un linceul douillet où je peux laisser voguer mon imagination. « Bleu » plus dur à l’orée de la nuit et du silence et « Bleu » plus velouté, irrégulier, indéfini, reflet d’une vie parsemée d’incertitudes, d’interrogations, de légèreté, mais aussi de profondeur.
Le tassement de cette superposition de petits pavés irréguliers, blancs, tous imbriqués, dressés les uns sur les autres, dressés les uns contre les autres, évoquent à la fois une densité oppressante et grandiose.
Densité oppressante par ces idées, ces rencontres, son humanisme d’échanges.
Densité grandiose par la masse de ces petits cubes irréguliers enchevêtrés qui se dressent vers l’infini.
La force d’un « Blanc renforcé » contraste avec le voile blanc fin, qui frôle la transparence. Elle rejette toute idée de résidu de pétrole dans cet univers immaculé.
Mon regard, mes yeux sont attirés par cet horizon à la fois lointain et proche, baigné d’une lumière intense et douce, message de légèreté, de liberté.
Attraction et questionnement se bousculent dans mon analyse. Je ne peux rester indifférente, on ne peut rester insensible à cette peinture, ce tableau : CORNWALLIS.

Christiane BERNAIN


La chaussée des Géants

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant d’être loin, très loin, ailleurs même. La lune m’attire immanquablement. J’ai ce besoin d’évasion, de grandeur, de splendeur. Quand je lève la tête, et que je la vois d’ici, tout en bas, sa rondeur, sa lumière blanche strassée de filaments grisonnants me font déjà m’évader de ma condition humaine. Moi, ici, tout petit, je suis remis à ma place d’être humain parmi les autres. Une étoile parmi d’autres, mais tellement plus éphémère. Je me tasse en moi-même, je disparais déjà. Puis soudain, ce tassement justement me permet d’entrer en révolte contre moi-même. La vie est là, maintenant. Je suis en vie, là, tout de suite, dans cette nuit profonde, éclairée par la seule lune, entourée par la mer, je prends conscience de l’urgence de vivre. Alors je sais que la lune n’est pas si loin. Le rêve n’est pas si loin, non, il est à portée de main ! Car ces paysages lunaires, il en existe dans notre monde.
Besoin de se ressourcer. Oui ! Il suffit de prendre la Manche jusqu’à Belfast. Puis de remonter jusqu’en Irlande du Nord, là où la chaussée des Géants m’attend.
Je le prends ce bateau qui laisse des résidus de pétrole dans son sillage. Et me voilà transporté dans ce lieu où je passe mes journées à admirer ces pierres qu’on imagine faites de la main de l’homme. Et pourtant non, une lave refroidie par les vagues déchaînées a créé ces blocs de hauteurs disparates, que le temps, les éléments ont accentué. Le temps qui passe fait son œuvre, et me renvoie encore et toujours à ma condition d’homme à la pérennité réduite. Mais peu importe ! On laisse des traces. Je laisse des traces. Je suis un maillon qui compte pour que le temps perdure au-delà de moi. L’horizon n’est plus une fin en soi. Les différentes heures du jour, la pénombre, le soleil levant ou couchant sur ces pierres tortueuses me redonnent espoir. Je peux me réveiller de ce rêve étrange et pénétrant, et enfin le vivre.

Roger

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