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Grand-mère
Elle en a vécu des petits et des grands moments,
Visage un peu épaissi, cheveux hirsutes
Elle est marquée par la vie.
Un œil fermé, un œil ouvert, le sourcil relevé
Un sourire triste à peine esquissé
Que veut-elle nous dire ?
Si je peux être un exemple, vis ta vie avec courage, honnêteté et détermination.
GdeP
Le décor intérieur
Ici, rien ne bouge,
Ils se tiennent là,
Mes objets inanimés.
Ils attendent ma présence,
Pour que je leur donne sens.
Ils sont là, ils sont moi,
Mon décor refuge intérieur.
Si beau,
Qu’ils me placent dans l’espace de ma méditation intérieure.
Paisiblement,
Il vient s’étendre pour entendre mon long silence,
Il ronronne et donne l’harmonie à mes rêveries.
ChristinA
Être
Au moment où j’arrivais devant cette maison, je me figeais dans l’encoignure du portail, abrité du soleil.
Cela faisait bientôt deux semaines que je marchais, sous un soleil de plomb, en ce mois de juin 2003, sur le chemin de St Jacques. Aux étapes, on ne pouvait pas s’empêcher de suivre les informations qui diffusaient quasiment en boucle la pollution de l’air toujours plus oppressante, la météo et les températures suffocantes, la liste du nombre de morts qui ne cessaient de s’accroître sous cette canicule inhabituelle.
Et là, sous mes yeux, comme un mirage, s’étalait un havre de paix et de fraîcheur. Cet arbre dont les branches et le feuillage s’étiraient, s’étoffaient pour offrir son ombrage au visiteur, m’invitait à me reposer.
Et pourtant, il faisait très chaud, on entrevoyait le ciel lumineux duquel descendait la chaleur retenue et absorbée par les feuilles frémissantes de cet arbre, dont l’essence m’échappait. Son ombre portée, à la fois dense et légère, tendre, aux lueurs bleutées, vertes ou violacées me tendait ses bras.
Même la maison, avec ces murs inondés de soleil, invitait au repos, à l’apaisement, à la fraîcheur, par ses portes et ses persiennes entrouvertes.
Je restais là un grand moment, juste, à regarder, à contempler, à respirer l’instant présent et… à être, tout simplement.
Un bruissement me tira de ma méditation. Je frissonnai à l’idée que derrière la porte entrouverte, il puisse y avoir un corps épuisé de sécheresse. Mais tout indiquait que ce n’était pas possible, ce n’était qu’une hallucination de mon esprit fatigué.
Lentement, je me remis en route, traversai la cour sur la pointe des pieds afin de ne pas réveiller ces ombres endormies et poursuivit mon chemin par l’ouverture naturelle et bienveillante qui s’offrait à moi sur la nature environnante.
En résumé : Haiku
GdeP
Première œuvre
C’est comme ça que j’ai commencé. Une gousse d’ail, un oignon.
Il faut toujours un début, se lancer, ne pas hésiter.
Je n’avais que du noir et le blanc de la feuille.
J’ai posé des traits au fusain, mis les doigts pour l’étaler, placer les ombres.
Sous mes doigts, la forme a commencé à apparaître.
Ca ressemblait au modèle.
Toute surprise de cette gousse d’ail surgie de mes doigts, j’ai continué.
J’ai attaqué l’oignon.
Plus difficile, le volume, les couches de la pelure.
Fusain, doigt, fusain, gomme.
Ne pas abandonner, rester émerveillée, même si c’est loin d’être parfait.
Et continuer.
Alors, après, la planche sous l’ail et l’oignon.
Et sur cette planche trop grande, un poivron, un champignon.
Ma première œuvre en noir et blanc.
Ravie comme une enfant.
Mon homme est rentré et m’a dit « qu’est ce qu’on mange ? ».
Je lui ai désigné mon œuvre.
Il m’a dit : « c’est bien gentil, mais quelques traits sur une feuille ne nourrissent pas un homme ».
Dépitée par sa remarque, j’ai hésité un instant.
Puis j’ai sorti d’un tiroir une boîte toute neuve de pastel.
Avec de la couleur, ça serait plus réel.
Ce soir-là, mon homme est allé s’acheter une pizza.
Et je me suis nourrie de la poussière de craie sur mes doigts.
En résumé : Haïku
Instant créateur
Ce fil inducteur
Nourris mon envie
Laurence
C’est un matin ensoleillé. Par la fenêtre ouverte, on entend au loin le bruit du vent dans les arbres.
Je m’appelle Alice et je vais bientôt prendre une première leçon de dessin. En attendant mon professeur, je vérifie que tout est prêt.
Je caresse doucement la feuille de papier qui attend le trait du crayon. Je regarde les tubes de couleur dans leur boîte, ils sont si jolis, je voudrais tous les utiliser.
Devant moi est ouvert un grand livre d’art. Ma mère me l’a prêté en me disant qu’il pourrait m’inspirer. Il est ouvert à la page d’un magnifique tableau, le portrait d’une belle jeune femme rousse. Son sourire est très doux, c’est apaisant de la regarder. Sur la page d’en face, le peintre a représenté un grand champ de blé qui vibre sous le soleil d’été. Les coquelicots y dessinent des points rouges. C’est drôle parce qu’il y a presque le même paysage sous ma fenêtre. Je sens le parfum de l’été entrer dans la pièce, et c’est comme si soudain, moi, j’entrais dans le tableau.
C’est moi que le soleil réchauffe. Moi qui ferme les yeux, sens l’air tiède, entends le vent dans les arbres.
Je suis si bien dans ce moment que je n’entends pas la porte s’ouvrir. C’est ma petite sœur Flore, elle veut dessiner aussi. Je ne veux pas qu’elle me dérange, qu’elle mette en désordre tout ce que j’ai si bien préparé pour le professeur.
Je l’empêche d’attraper les tubes de peinture, elle se met à pleurer et tout le calme de ce moment disparaît. Alors je l’attrape doucement, la mets sur mes genoux et lui montre la belle jeune femme rousse. « Tu vois, lui dis-je, elle porte le même prénom que toi. Regarde comme elle l’air gentille. »
Et en fait, moi aussi j’ai envie d’être gentille. Je prends une feuille de beau papier à dessin, le pot de crayons de couleur et les donne à Flore. Elle se met aussitôt à l’ouvrage et le silence revient dans la pièce. Le professeur est en retard mais ce n’est pas grave. Ma petite sœur dessine la déesse Flore, celle qui porte le même prénom qu’elle, et moi je l’attends, le professeur, en écoutant le vent et en respirant le parfum de l’été.
C’est un matin ensoleillé et je vais bientôt prendre ma première leçon de dessin.
Caresse du vent d’été
Dans le champ de blé
L’alouette s’envole
Téléportation
Par un soir d’automne, Milena est entrée chez cet antiquaire lyonnais de la rue Comte.
D’emblée elle a été captivée par un tableau, et des réminiscences aixoises ont troublé son esprit.
Elle avait décidé de faire l’acquisition de ce tableau qui la fascinait littéralement, et chercha à voir l’antiquaire.
Elle se résolut à entrer dans l’arrière boutique.
C’est alors que la voix de stentor de l’antiquaire la fit sursauter.
Il possédait un je ne sais quoi de Mephistofeles.
Sans mot dire, il alla chercher le tableau idoine et l’amena dans l’arrière boutique.
L’atmosphère changea aussitôt, et dans un fog londonien, elle se retrouva projetée dans le tableau.
Le maître était là, silencieux entouré des objets dont il s’inspirait pour ses créations.
Ses pinceaux, ses palettes, les compotiers, les fruits qui composaient un bodegón, le mobilier provençal.
Il ne pouvait ni la voir ni l’entendre.
Elle n’en croyait pas ses yeux, elle était à l’atelier des Lauves à Aix en Provence ! Un atelier baigné de lumière et propice à la création, l’atelier de Cezanne.
Elle décida de savourer l’instant présent. D’imprimer à jamais ces couleurs sur sa rétine. D’observer l’artiste, de humer les exhalaisons de parquet ciré, de fruits, de térébenthine. Et en son for intérieur se dit « hier est derrière, demain est un mystère et aujourd’hui est un cadeau, et c’est pour cela que ça s’appelle le présent. »
Et pour vivre, peu importe les circonstances, il faut être dans le présent, pleinement.
La voix de l’antiquaire tout d’abord ouatée, puis de plus en plus présente, la ramena brusquement dans l’arrière boutique.
Un Haïku
Une île
Entre Afrique et Asie
Envoûtante, magnétique
Marsiho Suares
L’ail et l’oignon
Un tableau, c’est aussi une époque, un instant, une capture. Moi aussi je suis dans une époque, dans des instants et si je capture… c’est ce moment qui me décale.
Celui-ci, représentation de deux légumes aux jeux de lumière et de couleurs d’antan, m’arrête /// et me pose dans ma course de chaque jour. Devant ce moment figé, m’apportant calme et douceur, il resurgit mes souvenirs.
Je parle avec lui de cet instant présent, d’un simple bonheur. J’en souris parce que ce mélange d’images, de bruits, et de senteurs qui remonte d’un passé me rappelle à moi-même.
Des parts de ce que j’étais, de ce que j’oublie parfois, de ce qui me plairait de trouver demain…
… Moment recouvert d’un instant passé.
Un Haïku
Lumière de midi
Couleur des saveurs
Souvenir de demain
Fabien
Envie de m’enfuir
Sans savoir où aller
Envie de respirer de nouveaux airs
Partir sans faire des plans et profiter de l’inconnu
Envie d’aller chercher le parfum de la nature et la chaleur du soleil
Du ravitaillement pour le corps et l’esprit
Franchir les barrières de l’invisible
Respirer… Enfin…
Et pourquoi pas rencontrer de nouvelles personnes, pour un échange salutaire ?
Échange qui ajoute, qui somme, qui apprend et qui contribue
Et pourquoi pas, donc ?
Ah, envie de m’enfuir…
En résumé : Haïku
La grandeur du peuplier
Le ciel bleu
Envie d’être là
Nathalia